"De tous cotés s'élançaient des chevaux en un ballet bigarré de burnous, de caftans et de capes flottant au vent. Certains avaient dégainé des sabres flamboyants et mimaient dans un tournoiement de chevaux, de bras et d'armes, l'historique combat". Eugène Delacroix
Nichée au cœur des collines verdoyantes qui s'étendent en bordure du Rif, la paisible bourgade de Tissa devient chaque année, la récolte passée, le centre de mire de la région de Fès. Les Hyaynas fêtent le cheval et jettent à qui veut l'entendre que leur terre est depuis toujours le berceau du barbe et de la fantasia.
Depuis l'aube une activité fébrile s'est emparée de la ville. Venus de toute la province, de lourds véhicules bondés d'hommes et de bêtes ont convergé vers l’immense terrain vague dédié aux exhibitions. Déjà, Une foule bruyante et bigarrée s'est amassée dans l'artère principale où une multitude de tabliers, profitant d'une si belle manne, ont poussé comme des champignon. Aux clameurs des hommes, se mêlent à présent les hennissements des chevaux qui martèlent en cadence les bat-flanc métalliques de leurs cages d'infortune. Fixés sur les toits
des haut-parleurs diffusent une musique orientale, interrompue périodiquement par les lancinants appels du muezzin. Plus loin,au bout de l'avenue, une fête foraine s'emploie bruyamment à faire patienter la foule. Sur le terrain, au premier rang, la tribune d'honneur et les grandes tentes caïdales des organisations officielles sont déjà en place. Mais le plus impressionnant est sûrement le "maghzen", sorte d'immense campement constitué d'un ensemble de tentes immaculées à la toile frappée de lampes à huile, symbole d'hospitalité. Perchés sur de fringuants chevaux aux parures étincelantes, un long fusil damasquiné posé sur la cuisse, des cavaliers enturbannés fendent la foule des badauds ébahis (...)
